Geneviève Campbell, inf., M. Sc., ICS-PCI
Adjointe à la directrice – prévention et contrôle des infections
CIUSSS de la Mauricie-et-du-Centre-du-Québec

La formation des infirmières œuvrant en prévention et contrôle des infections (PCI) est cruciale pour garantir la sécurité des usagers et améliorer la qualité des soins de santé. Reconnue par l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (OIIQ), la PCI est un domaine de spécialité exigeant des connaissances et des compétences spécifiques au-delà de celles requises dans la pratique générale. 1

En ce sens, la spécialisation établit des standards de pratique additionnels et met en lumière le volet systémique de ce rôle, essentiel pour la protection du public. Une formation adéquate permet notamment l’intégration des connaissances, habiletés et attitudes attendues d’un professionnel au sein d’une équipe pour réaliser les activités prévues au programme de PCI comme la surveillance des infections, la réalisation d’enquêtes épidémiologiques et la gestion des éclosions.2

Depuis les dernières décennies, l’évolution de la PCI a mené à une croisée des chemins où les équipes sont confrontées à des problématiques de plus en plus diversifiées et complexes. Les programmes de PCI doivent naviguer dans un contexte de soins de santé en constante évolution, tout en maintenant des approches fiables fondées sur les données probantes. Dans le contexte postpandémique, l’attractivité du travail d’infirmière en prévention des infections est influencée par plusieurs enjeux clés tels le besoin d’être reconnu et valorisé dans ce rôle, la gestion de la charge de travail, le besoin de soutien relatif aux impacts psychologiques liés à la gestion de la pandémie, l’évolution technologique et le besoin de formation continue et de développement professionnel dans leur domaine d’expertise, inhérents à l’avancée rapide des connaissances en la matière.

L’environnement d’apprentissage dans le réseau de la santé est unique en lien avec la diversité des intervenants qui y œuvrent ainsi que et la diversité des missions de soins. Afin de mobiliser les équipes soignantes en faveur de l’application des pratiques exemplaires, la littérature démontre que les stratégies les plus couramment utilisées par les infirmières en PCI sont basées sur la transmission formelle d’informations3, alors que le transfert de la théorie à la pratique requiert l’utilisation de techniques visant la convergence des connaissances, des expériences et des compétences vers un changement de comportement4.

Le développement professionnel continu des infirmières en PCI devrait donc comprendre l’évaluation des besoins de formation et des stratégies de transfert des connaissances à la pratique pour une clientèle adulte en emploi. De plus, avec l’importance croissante de la prévention des infections dans les stratégies d’amélioration de la qualité des soins, il est primordial de reconnaître et de promouvoir le rôle stratégique des infirmières dans ce domaine. Ainsi, des compétences en leadership clinique devraient également faire partie de leur plan de développement, afin de les outiller pour implanter des changements de pratique, influencer les acteurs clés et jouer leur rôle avec aisance. Les programmes de 2e cycle universitaire en PCI répondent à ce besoin tout en mettant l’accent sur le développement des savoirs et des compétences requises pour intervenir dans ce domaine transversal.

Débuter un programme d’études de 2e cycle présente toutefois des défis pour les personnes qui s’y investissent. Pour certaines, reprendre des études après une pause peut être insécurisant, surtout si elles se sont éloignées des pratiques académiques telles que la rédaction de travaux, la recherche et l’utilisation de nouvelles technologies d’apprentissage. Combiner un emploi avec les exigences académiques d’un programme d’études supérieures demande aussi une excellente gestion du temps. Les étudiants doivent équilibrer leurs responsabilités professionnelles, académiques et personnelles, ce qui peut générer du stress lié à la charge de travail supplémentaire que cela comporte. Le soutien de l’employeur joue un rôle prédominant dans la réussite, par des mesures telles que la flexibilité dans l’horaire de travail et l’offre de soutien financier comme une contribution aux frais de scolarité ou encore la rémunération des journées de stages par exemple. Ce soutien constitue souvent la clé pour le maintien de la motivation tout au long des études et la préservation d’un équilibre sain entre le travail et la vie personnelle, surtout lors de périodes plus intenses comme le début de la saison grippale. Bien que le contexte budgétaire soit souvent peu propice, l’investissement est rapidement rentabilisé par la possibilité d’appliquer directement les connaissances acquises dans la pratique au bénéfice de l’établissement, de l’équipe de PCI et de la qualité des soins à l’usager. Cela dit, les étudiants doivent gérer l’incertitude liée à l’impact que cet investissement aura réellement sur leur carrière et commande une réflexion sur une définition claire des rôles et responsabilités des intervenants de l’équipe en fonction de leur niveau de spécialisation et sur les opportunités de progression de carrière possibles en PCI au sein de l’établissement.

Les enjeux de formation et de relève spécialisée sont nombreux mais peuvent être surmontés. Depuis 2020, plusieurs équipes de PCI au Québec ont accueilli de nouvelles infirmières et sont donc actuellement composées en partie de professionnels novices qui n’ont été exposés pendant plusieurs mois qu’à des situations touchant la COVID-19. Une consolidation des connaissances et compétences s’articule pour qu’ils puissent acquérir l’expérience nécessaire au plein exercice de leurs fonctions. L’opportunité est donc présente pour saisir tout le potentiel du développement de leurs compétences sur la performance du programme de PCI des établissements de santé. Soutenir les nouvelles recrues dans le développement de leur expertise en PCI et les outiller pour faire face à la complexité de leur rôle est primordial pour assurer leur rétention. L’accès à des formations spécialisées demeure également un incontournable pour l’ensemble des membres des équipes de PCI et favorise leur engagement envers leur développement professionnel continu.


1 (Ministère de la Santé et des Services sociaux (2017). Cadre de référence à l’intention des établissements de santé et de services sociaux du Québec – Les infections nosocomiales. Gouvernement du Québec).

2 (Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (2019). Guide de préparation pour l’examen de certification des infirmières cliniciennes spécialisées en prévention et contrôle des infections (ICS-PCI). Montréal: OIIQ.).

3 (Meyers, G., Jacobsen, M., & Henderson, E. (2018). An exploration of IPAC educational intervention research: What do we mean by education? Canadian Journal of Infection Control, 33(2), 89-95)

4 (Bachman B., Kenneley I., Addressing Education and Training. In: Dean R, Popescu S, eds. APIC Text. 2020)