Entrevue avec Paul L’Archevêque, dirigeant du Bureau de l’innovation du MSSS
Par Guy Sabourin, journaliste

« L’innovation est un outil incroyablement puissant pour s’attaquer aux problèmes de santé et à ceux du système de santé. » C’est Paul L’Archevêque qui l’affirme. Nommé il y a un peu plus d’an par Gaétan Barrette au poste de Dirigeant de l’innovation en santé et services sociaux, ce titulaire d’une maîtrise en Sciences biologiques de l’Université de Montréal cumule plus de 20 ans dans l’industrie pharmaceutique et 15 ans dans le financement et le développement de l’innovation dans les secteurs des sciences de la vie et de la santé.

L’an un

L’innovation peut provenir du réseau et toucher l’organisation même et la gestion du système de santé et des services sociaux. Elle peut aussi être technologique, par exemple s’implanter dans les secteurs des technologies médicales ou de l’information, ou encore s’infiltrer parmi les outils de diagnostic.

Durant la première année de son mandat, avec son équipe de six personnes, Paul L’Archevêque a surtout doté son bureau de moyens pour mieux s’organiser autour de l’innovation.  L’équipe du Bureau se demande, par exemple, comment mettre à la disposition de la population plus rapidement des innovations permettant de meilleurs traitements et de meilleures prises en charge des usagers, comment l’innovation permet d’augmenter l’efficience dans les façons d’offrir des services de santé.

« L’innovation dont nous occupons est créatrice de valeur et celle-ci est vraiment l’axe fondamental qui a guidé toute la mise en place du Bureau de l’innovation », explique Paul L’Archevêque.

Des idées, de nouvelles expériences, de meilleures façons de faire, des technologies prometteuses et des personnes qui portent fièrement ces projets et essais divers, il y en a plein le réseau. Pour preuve, la cartographie de l’innovation dans le réseau, que le Bureau a été chargé de faire durant la première année. Il en est ressorti au minimum une vingtaine de projets intéressants.

Si certaines de ces innovations sont très encourageantes, d’autres ne sont pas encore mûres. Il faut donc trouver les meilleures, en prioriser certaines et les travailler afin qu’elles soient homogènes. « Pour les présenter aux décideurs du Ministère et du réseau, il faut parler la même langue et être capable de mettre en évidence les impacts de cette innovation-là », précise Paul L’Archevêque.

C’est pourquoi un outil fut aussi créé durant la première année du Bureau. Il s’apparente à un plan d’affaires et se base sur trois principes fondamentaux très importants, prélude à toute introduction de l’innovation auprès des décideurs d’abord, et dans le réseau ensuite.

Le premier : l’innovation doit démontrer comment elle modifie la trajectoire de soins dans laquelle elle se trouve. Quel est l’avant, quel est l’après de cette trajectoire. Le deuxième : quel sera l’impact clinique en termes de science, d’efficacité, d’effets secondaires, de meilleures prises en charge, d’accès aux soins. Ces deux premiers volets touchent directement le patient. Le troisième et dernier : l’innovation doit faire la preuve de son efficience.

Le rôle du bureau consiste donc à dénicher ou à recevoir les innovations, à les structurer en les basant sur des critères précis et des faits, à les soumettre au comité de priorisation puis à les acheminer aux décideurs afin qu’elles déclenchent une conversation éclairante. Ensuite elles pourront être implantées.

Certaines des innovations qui arrivent jusqu’au bureau ne sont basées que sur des données partielles ou incomplètes. « Ce n’est pas grave, précise Paul L’Archevêque, pourvu qu’elles puissent démontrer un impact sur nos trois critères fondamentaux. Notre objectif est de regarder ces innovations-là avec une lunette nous permettant d’en dégager la valeur. »

Le Bureau a également comme mandat d’accélérer l’adoption des meilleures innovations dans le réseau. Par exemple, une nouvelle analyse du fond de l’oeil qui permettrait de suivre l’ensemble de la population diabétique sur une base annuelle est actuellement en phase d’être implantée. « Cette technologie permet de suivre toute la population diabétique plutôt que les cas plus urgents, comme c’est maintenant le cas, et à moindre coût par unité qu’avec la méthode actuelle, illustre Paul L’Archevêque. Alors, pourquoi attendre? Il faut accélérer pour profiter collectivement de ce gain d’efficience. »

Le Bureau de l’innovation est en fait une stratégie bicéphale impliquant deux ministères : celui de la Santé et celui de l’Économie et de l’innovation. Il est né de la Stratégie québécoise des sciences de la vie. Il joue donc, aussi, un rôle d’accompagnement d’affaires, d’une certaine manière. Et, à ce titre, il a pour mandat d’accélérer et d’adopter des technologies qui viennent de l’industrie. Le Bureau travaille actuellement sur de grands projets, où il tient le rôle d’accompagnateur. « Nous les pilotons avec la même direction, la même culture, la même approche, indique Paul L’Archevêque. Création de valeur, portée des retombées, avantages pour les patients, tout cela concourt à nous aider à prendre les meilleures décisions.

Ce volet permettrait par exemple d’intégrer dans le réseau un processus de triage absolument exceptionnel, qui va bien au-delà de ce qu’on connaît actuellement. Ou encore d’implanter des technologies numériques débouchant sur une meilleure prise en charge de la population. « Certaines de ces innovations se font à un niveau particulièrement élevé d’avant-gardisme et de leadership et c’est le genre d’innovation que l’on veut accompagner », commente Paul L’Archevêque.

Aucune de ces innovations ne pourrait voir le jour si elle n’était en bout de piste gage d’amélioration de la trajectoire de soins. Le patient en constitue toujours le cœur.

L’an deux

Les objectifs de l’an un étant atteints, le Bureau de l’innovation se tourne maintenant vers l’an deux. Son plan de match? Aller beaucoup plus dans le réseau à la pêche aux bonnes idées.

« Nous avons la cartographie établie durant l’an un comme base de discussions, explique Paul L’Archevêque. Maintenant, nous allons identifier où nous pouvons collaborer, aider, mettre en commun des efforts et accélérer le processus d’innovation, qui est très riche dans le réseau. »