PARTIE 1

Auteur
Alexandra Constant, M. Sc. Econ
Économiste de la santé – Performance et gestion de l’information

Les réadmissions hospitalières non planifiées sont analysées depuis le début des années 1970 par bon nombre de chercheurs, gestionnaires de performance clinique et décideurs publics de partout dans le monde. Elles sont non désirées et pénibles pour les patients et leur famille, en plus d’être fréquentes et coûteuses pour le système (et les contribuables).

Réussir à réduire les réadmissions non planifiées représente un potentiel important d’amélioration de la qualité des soins et une utilisation rehaussée des ressources en santé. Quelles sont les politiques efficaces à mettre en place pour motiver les CIUSSS, CISSS et établissements non fusionnés ? Mais, plus essentiel encore, les acteurs du système de santé québécois veulent-ils s’investir de la mission consistant à réduire les réadmissions hospitalières pour un système de santé plus performant ?

La réadmission hospitalière figure parmi les indicateurs fréquemment utilisés pour mesurer et apprécier la qualité des soins et leur continuité entre les services. Son suivi permet donc de mesurer la performance des établissements de santé et de les comparer dans une perspective d’amélioration. Certaines provinces canadiennes et certains pays vont au-delà de la fonction d’évaluation de la performance de la qualité des soins, et ont adopté des mécanismes qui forcent la gestion de la performance* et l’amélioration des réadmissions hospitalières. Les lois et règlements se présentent sous forme de politiques de réadmission spécifiques ou générales qui influencent indirectement les incitations à réduire la réadmission.


L’expérience de l’Ontario

En Ontario, en vertu de la Loi de 2010 sur l’excellence des soins pour tous, l’amélioration de la qualité est devenue une priorité provinciale (MSSLD, site Web). La Loi (gouvernement de l’Ontario, site Web) exige que les hôpitaux ontariens déposent chaque année un plan d’amélioration de la qualité (PAQ) qui décrit en détail les efforts qu’ils déploieront à l’égard d’un ensemble d’indicateurs prioritaires, incluant la réadmission, dans un délai de 30 jours pour certaines affections. Leurs objectifs de qualité (cibles), les activités d’amélioration et les moyens précis pour atteindre les objectifs sont formulés, publiés et suivis.

Le gouvernement a mis en place des mécanismes de gestion de la performance, dont la création d’un organisme indépendant, Qualité des services de santé Ontario (QSSO), qui a pour mandat de :

  • Contrôler la qualité du système de santé et d’en faire rapport à la population de l’Ontario;
  • Promouvoir des soins de santé reposant sur les meilleures observations scientifiques disponibles;
  • Soutenir l’amélioration continue de la qualité et l’adoption de pratiques exemplaires.

QSSO analyse minutieusement les PAQ, établit des méthodes pour déterminer si les changements apportés entraînent de réelles améliorations, et favorise l’apprentissage. Parmi les initiatives, QSSO a mis sur pied Quorum, une communauté d’apprentissage en ligne qui encourage les hôpitaux à échanger des idées d’innovation et à suivre les progrès réalisés et les exemples de réussite et d’échec afin que tous puissent en tirer des leçons et reproduisent les succès. Quorum est un répertoire de données probantes et d’idées de changement liées aux indicateurs.


Faire école

Le leadership résolu du gouvernement de l’Ontario depuis 2011 a incontestablement amorcé une culture d’amélioration de la qualité et engagé la responsabilisation des établissements de santé à mettre à l’essai de nouvelles façons de faire à l’échelon local.

Cependant, force est de constater que les taux de réadmission ajustés pour le risque dans les 30 jours ne se sont pas améliorés à l’échelle provinciale (fig. 1) (ICIS, site Web). Entre 2010 et 2017, le taux de réadmission, ajusté pour le risque, est demeuré relativement stable, passant de 13,3% à 13,7% pour les patients de soins médicaux et de 6,6% à 7% pour les patients de soins chirurgicaux. Seules les réadmissions à la suite d’un infarctus aigu du myocarde se sont améliorées, passant de 12% à 9,4% sur la période dédiée de sept ans.

Pour s’attaquer à la problématique des réadmissions, l’Angleterre, la Suisse et les États-Unis ont ajouté à leur arsenal un mécanisme de gestion forçant les gestionnaires à mettre en place des pratiques de gestion des réadmissions : la pénalité financière.


L’expérience chez nos voisins du sud

Aux États-Unis, deux initiatives fédérales (CMS.gov, site Web) visent particulièrement la réduction des réadmissions évitables :

  • La campagne Partenariat pour les patients (PPP), lancée en avril 2011, a mis en place un réseau collaboratif d’intervenants du secteur de la santé qui comprend un nombre de programmes axés sur l’amélioration des pratiques en matière de sécurité des patients et de transition des soins;
  • Le Programme de réduction des réadmissions à l’hôpital (PRRH), entré en vigueur en octobre 2012, impose une pénalité financière aux hôpitaux qui ont un taux de réadmission excessif pour six conditions spécifiques (infarctus aigu du myocarde, maladie pulmonaire obstructive chronique, insuffisance cardiaque, pneumonie, chirurgie de pontage aortocoronarien, arthroplastie totale primaire de hanche et/ou genou).

Entre 2010 et 2016, le taux de réadmission dans les 30 jours, toutes causes confondues pour les patients assurés par Medicare, a diminué, passant de 18,3% à 17,1%, alors qu’il a augmenté chez les patients non assurés, passant de 10,4% à 11,8%. Le taux de réadmission est resté relativement stable pour les patients assurés avec Medicaid** (13,7%) ainsi que pour les patients assurés par le privé (8,8%) (Bailey et coll., 2019).

Plusieurs études démontrent la contribution du PPP (Centers for Medicare and Medicaid Innovation, 2015) et du PRRH (Birmingham et coll., 2018; Cary et coll., 2018; Ibrahim et coll., 2017; MedPAC, 2016; Zucherman et coll., 2016) dans la réduction des réadmissions hospitalières. Cependant, leurs méthodologies ont leurs limites quant aux inférences et à la capacité de dissocier la contribution individuelle des deux initiatives fédérales sur les réadmissions, à savoir si la pénalité financière est plus efficace comme politique.

Le rapport de 2018 de la Medicare Payment Advisory Commission (MedPAC, 2018) conclut que le PRRH a contribué à une baisse significative du taux de réadmission sans entraîner une augmentation importante du nombre de visites aux urgences, ni la durée de séjour depuis l’admission, et qu’il n’a eu aucun effet négatif sur les taux de mortalité. Les résultats indiquent que les taux de réadmission bruts (non ajustés en fonction du risque) entre 2010 et 2016 ont chuté de 3,6 points de pourcentage pour l’IAM, de 3 points de pourcentage pour l’insuffisance cardiaque et de 2,3 points de pourcentage pour la pneumonie, par rapport à 1,4 point de pourcentage en moyenne pour des conditions non couvertes par le programme.

Soyez attentifs, car dans la seconde partie de cette réflexion, il sera question des programmes de réadmission à l’extérieur de l’Amérique, soit en Angleterre et en Suisse. La conclusion de la partie II portera particulièrement sur le Québec et comportera quelques recommandations.


*  La fonction d’évaluation de la performance consiste à adopter une définition standard et à élaborer les indicateurs qui serviront à mesurer et déterminer les cibles pour apprécier la performance des établissements, alors que la gestion de la performance se rapporte à la conception et à la mise en œuvre de moyens qui suscitent la performance tels que le contrôle de la qualité et l’élaboration d’incitatifs.

**  Medicare est un programme fédéral d’assurance maladie qui couvre les personnes de 65 ans et plus, les personnes de moins de 65 ans avec certains handicaps, et les personnes de tous âges atteintes d’insuffisance rénale au stade terminal, quel que soit leur revenu. Medicaid est un programme fédéral et d’État qui fournit une couverture santé aux personnes à très faible revenu (CMS.gov, site Web).