Déployée en renfort lors de la première vague

21 avril 2020. Je reçois un message me demandant de me présenter à l’entrée principale de l’Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec (IUCPQ) pour donner une entrevue avec un média télévisé. Aux dernières nouvelles, je devais rejoindre mes deux collègues pour un départ tardif vers Montréal, et non m’adresser à la caméra! Néanmoins, avec la COVID, on s’adapte rapidement aux situations qui évoluent quotidiennement. C’est donc d’un pas décidé que je prends la direction de l’hôpital.

Amanda Garant, infirmière
Institut de cardiologie et de pneumologie de Québec – Université Laval (IUCPQ-UL)

Cependant, une question persiste tout au long du trajet. Pourquoi nous avoir choisis pour faire cette entrevue? Séries de circonstances, me dis-je. Il faut se rappeler qu’à ce moment, nous faisions parties des premières infirmières en prévention et contrôle des infections (PCI) à être déployées à l’extérieur de notre centre respectif afin d’aller prêter main-forte dans la grande région de Montréal.

Pour vous mettre en contexte, l’idée d’être déployé à l’extérieur de notre hôpital commençait à circuler à l’Institut. Rien de bien certain, jusqu’au jour où j’ai reçu ce fameux message : « Besoin d’infirmières pour la Montérégie, départ dans deux jours. Faites vos valises! »  Sans trop réfléchir, je me suis lancée dans cette aventure. Combien de temps partons-nous? Où allons-nous loger? Qu’allons faire exactement comme travail? Vers quoi allons-nous? Nombreuses sont les questions qui me sont venues en tête. J’aurai bien le temps d’y répondre, me dis-je. C’est donc après une brève entrevue que nous partons en direction de Montréal.

Heureusement, j’ai la chance de faire le voyage avec deux de mes collègues infirmières ainsi qu’avec la chef de service de la PCI. Je suis infirmière depuis à peine deux ans et je travaille au service de la PCI depuis quelques semaines seulement. En temps de pandémie, on s’en rend bien compte, tout va excessivement vite! Nos connaissances évoluent constamment et on réagit promptement en s’adaptant aux changements constants. Ayant préalablement reçu une formation relative aux mesures de la PCI spécifiques à la COVID, je me sens d’attaque pour assister les équipes de la métropole.

Depuis le début de la pandémie, nous savons que les cas sont beaucoup plus nombreux à Montréal, mais à quel point? Ici, à Québec, [au printemps dernier] nous avons eu la chance de ne pas être submergés par une vague de patients ayant contracté la COVID. Certes, nous sommes un centre receveur donc nous avons eu des cas. Néanmoins, Québec n’a jamais eu autant d’affluence que dans la région de Montréal.

Par contre, il faut se dire une chose; nous étions prêts. Depuis la mi-mars, l’équipe de la PCI était en branle-bas de combat. Tout était organisé au quart de tour. Le service de prévention et de contrôle des infections occupe une place très importante à l’Institut et son expertise rayonne au-delà de ses murs. De plus, aucun cas de transmission entre les usagers ou les employés n’avait été déclaré. Cela prouvait l’efficacité de nos mesures.

Arrivées en Montérégie, nous étions attendues à l’hôpital Pierre-Boucher, un centre hospitalier du CISSS de la Montérégie-Est. Accueillies chaleureusement par l’équipe de la PCI locale, nous avons eu droit à une rapide visite des lieux. C’est à ce moment que la réalité m’a frappée de plein fouet.

La situation présente dans l’agglomération de Montréal n’était pas comparable à celle qui se déroulait à Québec. À Montréal, les équipes étaient exténuées, avec raison. Centre dédié COVID, elles y reçoivent des patients positifs provenant de la région de Longueuil, Boucherville et même plus loin. Les équipes sur le terrain font un travail colossal depuis le début mars. Disons qu’elles tiennent le fort et j’ai l’impression que nous arrivons juste à temps.

À ce moment, il faut se rappeler que nous étions à l’apogée de la première vague de la pandémie. Plus de 10 000 employés du réseau de la santé manquaient à l’appel. Il y a eu des arrivées massives de patients ayant contracté la COVID et nécessitant une hospitalisation. L’hôpital s’était alors rempli presque instantanément. À un certain moment, il y avait plus de 115 patients positifs hospitalisés.

Notre arrivée a été bien acceptée par les équipes. On nous a remerciées régulièrement d’être venues en renfort. Certains membres du personnel se sont toutefois montrés plus réticents. Qu’est-ce que les infirmières de Québec ont de plus que celles de Montréal? Rien de particulier, si ce n’est d’avoir eu la chance de ne pas avoir été touchées aussi durement que les infirmières de la Métropole. C’est donc avec modestie que nous tentions, tant bien que de mal, d’aider les troupes en place. Nous débutions ainsi nos journées avec l’évaluation des dossiers de l’ensemble des usagers qui étaient en isolement, soit de façon préventive ou parce qu’ils avaient déjà contracté la maladie. Ce qui, en moyenne, totalisait plus de deux cents dossiers à évaluer chaque jour. Enfin, chaque usager qui présentait des symptômes compatibles avec la COVID devait être mis en isolement préventif et dépisté. Ensuite, nous devions suivre l’évolution des symptômes, connaître la provenance respective des usagers et assurer leur transfert dans les cohortes dédiées lorsqu’ils étaient testés « positif ».

En ce qui concerne les patients victimes de la COVID, nous devions faire le suivi des tests de contrôle ainsi que la présentation clinique de leurs symptômes. Lorsqu’un cas se déclarait sur une unité froide, nous nous assurions de mettre en isolement préventif les patients ayant eu des contacts étroits avec le patient positif et surveiller l’apparition de symptômes, le cas échéant. Donc, le suivi des contacts se faisait tant chez les usagers hospitalisés qu’auprès des employés.

« Travaillant en moyenne entre neuf et douze heures par jour, nos journées étaient continuellement meublées de nouveaux défis. Nous nous encouragions en gardant en tête que notre aide était appréciée et que l’on apportait un peu de répit à l’équipe de la PCI locale. »

Enfin, nous assumions également la conformité des isolements en place en nous assurant du type d’isolement le plus adéquat, en fonction du risque de transmission qui découlait des interventions médicales effectuées ou prévues. De plus, nous devions assurer la gestion des éclosions parfois présentes sur les étages de soins.

En outre, nous avions pratiquement sept étages à couvrir. À travers cela s’ajoutaient les appels téléphoniques du personnel des étages concernant maints questionnements en lien avec les mesures de prévention. Nous avons également participé à diverses formations formelles et informelles sur l’équipement de protection individuelle. Quelques outils cliniques ont d’ailleurs été élaborés par notre équipe, dans le but de faciliter la gestion des isolements et des dépistages.

Nous avons également participé à différents projets ponctuels de réaménagement des zones chaudes et des cohortes en vue d’améliorer les mesures de prévention et ainsi, diminuer la contamination auprès du personnel. De multiples défis nous attendaient puisqu’à chaque fois que nous trouvions une solution possible à une problématique, d’autres enjeux majeurs survenaient et mettaient en péril nos ébauches.

Travaillant en moyenne entre neuf et douze heures par jour, nos journées étaient continuellement meublées de nouveaux défis. Nous nous encouragions en gardant en tête que notre aide était appréciée et que l’on apportait un peu de répit à l’équipe de la PCI locale. Étant donné notre déploiement factuel, nous savions que notre départ arriverait un jour. Nous avons donc tenté de laisser aux équipes en place des mesures facilitant la gestion de la COVID.

Bien que nos journées fussent ponctuées d’innombrables défis, je me considérais chanceuse d’être bien entourée par mes collègues. Certains professionnels déployés en région se sont retrouvés seuls dans des milieux complètement inconnus.

Au final, la COVID nous a exposé les lacunes de notre système de santé, mais également les forces des équipes sur le terrain. C’est avec un bagage rempli de nouvelles expériences et de compétences que j’ai repris le chemin vers Québec après plus de sept semaines de déploiement à l’hôpital Pierre-Boucher. Grâce à cet apprentissage, j’ai eu la chance de participer à l’élaboration de la Clinique d’évaluation COVID à l’IUCPQ-UL, où j’œuvre encore à ce jour.

À tous ces héros qui ont œuvré et qui œuvrent encore aujourd’hui, souvent même dans l’ombre, je vous lève mon chapeau.