Description
une priorité à mainteni
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MADELEINE TREMBLAY INF., Coordonnatrice du dossier des infections nosocomiales; Directeur de la protection; Direction générale de santé publique; Ministère de la Santé et des Services sociaux
HORACIO ARRUDA M.D., Directeur de la protection; Direction générale de santé publique; Ministère de la Santé et des Services sociaux
Au cours des quatre dernières années, la prévention et le contrôle des infections nosocomiales (PCI) ont connu un essor considérable au Québec. La recrudescence des infections à Clostridium difficile par l’émergence d’une souche plus virulente a forcé la prise de conscience de l’impact des infections nosocomiales sur la sécurité des soins offerts par les milieux de soins.
Les drames humains associés à ce malheureux épisode ont créé des ondes de choc qui se sont fait sentir à tous les niveaux du système de soins, non seulement au niveau clinique, mais aussi auprès des gestionnaires. La réponse a été systémique et structurée et l’on a rapidement observé les effets bénéfiques tant sur le Clostridium difficile que sur d’autres infections nosocomiales. Le défi actuel est de consolider les acquis et de maintenir la vigilance et cette mobilisation.
À la fin des années 90, le rapport de l’Institute of medicine To err is human: building a safer health System (Linda T. Kohn, Janet Corrigan, Molla S. Donaldson, Committee on Quality of Health Care in America, 2000) avait souligné la problématique liée au risque que présentent les infections nosocomiales pour la sécurité des soins de santé. Plus récemment, en 2002, le Groupe national d’aide à la gestion des risques (aujourd’hui connu sous le nom de Groupe Vigilance pour la sécurité des soins) reconnaissait les infections nosocomiales comme deuxième cause d’accidents évitables. Malgré tout, l’attention demeurait alors concentrée sur les autres causes d’accidents évitables, notamment les erreurs médicamenteuses. La crise a accentué le virage nécessaire, mais le défi demeure. Investir en prévention est rentable et l’on doit respecter nos engagements pour une qualité des soins.
Pour que l’évitable soit évité
En 2004, la crise du Clostridium difficile a créé un réveil bénéfique en ce qui a trait à la prise en charge de la lutte aux infections nosocomiales. Dans la foulée des mesures adoptées contre la recrudescence des infections par le Clostridium difficile, il s’est avéré nécessaire d’élargir le champ des préoccupations à l’ensemble des infections nosocomiales. C’est dans cette perspective qu’a été mis en place le Comité d’examen sur la prévention et le contrôle des infections nosocomiales, présidé par monsieur Léonard Aucoin. Conformément au mandat qui lui a été confié, ce comité de neuf membres a émis, en avril 2005, un rapport présentant le contexte des infections nosocomiales, l’historique des efforts consentis au Québec et plusieurs constats et recommandations. Ainsi, le comité d’examen a été amené à constater que le principal problème lié à la lutte aux infections nosocomiales en était un de gestion, notamment de gestion des priorités, et ce, tant pour les établissements que pour les agences et le ministère. Quatre-vingt-douze recommandations, dont plusieurs étaient déjà en cours au moment de la parution du rapport, ont découlé de ce document. La moitié de ces recommandations s’adressait aux établissements puisque le comité d’examen reconnaissait que la PCI est d’abord la responsabilité de ces derniers. Il y avait donc une urgence, pour les gestionnaires, de se retrousser les manches et de réagir rapidement…
Un plan d’action intégré pour orienter, planifier, coordonner
En continuité avec la réponse initiale à la situation, et voulant donner suite au rapport Aucoin, le ministère, ses partenaires et son réseau ont déployé le plan d’action sur la prévention et le contrôle des infections nosocomiales 2006-2009, qui présente vingt-cinq actions visant à mettre en place les mesures indiquées pour une réponse intégrée et systémique. Plus précisément, un cadre de référence pour l’élaboration d’un programme de prévention et de contrôle des infections nosocomiales a été fourni aux établissements. Des actions visant à soutenir la surveillance des infections, l’expertise clinique, l’expertise au sein des services techniques et hôteliers ont aussi été déployées. Enfin, des tableaux de bord assurant le suivi et l’évaluation de ces actions ont été élaborés et des activités de communication auprès des partenaires du réseau et de la population ont été mises sur pied.
Le plan d’action avait aussi comme objectif de consolider la mise en place d’une structure de concertation au sein du réseau. Un Comité ministériel des infections nosocomiales, une Table nationale et des tables régionales de prévention des infections nosocomiales ont été mis en place, ce qui reflète bien le fait que la lutte aux infections nosocomiales est une responsabilité qui doit être partagée. Cette lutte est complexe et nécessite l’implication de tous !
Des moyens pour augmenter notre capacité d’agir
L’instauration de quatre programmes obligatoires de surveillance constitue un acquis considérable. En effet, la surveillance permet l’accumulation de données historiques comparables, ce qui s’avère primordial pour planifier et mettre en place des mesures de prévention et de contrôle, et ce, tant au palier local que régional et national.
Par ailleurs, depuis la création du Comité sur les infections nosocomiales du Québec (CINQ) en 1999, le développement de l’expertise clinique était déjà mieux soutenu et harmonisé qu’auparavant. Cependant, d’autres volets, particulièrement relatifs à l’environnement et aux services spécialisés de soutien comme le retraitement et la stérilisation des dispositifs médicaux, ne pouvaient compter sur une équipe provinciale pour développer et consolider leur expertise ainsi que leur pratique. La création du Centre provincial de référence en stérilisation (CPRS) ainsi que la formation de groupes de travail en hygiène et salubrité et en immobilisation, réunissant les intervenants cliniques et de soutien, s’avèrent un apport remarquable pour le réseau. L’élaboration et la diffusion de lignes directrices provinciales ne sont plus exclusives aux intervenants cliniques, ce qui constitue une avancée importante puisque l’environnement physique joue un rôle majeur dans la transmission des infections. De plus, le fait d’impliquer les différents secteurs d’activité dans la PCI permet de créer des liens et de favoriser le développement d’une réelle culture de prévention des infections
nosocomiales.
La lutte aux infections nosocomiales requiert des ressources suffisantes et convenablement formées. Les ratios d’infirmières dédiées à cette fonction ont été majorés progressivement depuis 2005 et font l’objet d’entente de gestion entre les établissements et le ministère. Cela assure, dans le contexte actuel de pénurie d’infirmières, de suivre la situation de près et de ne pas perdre les acquis. De plus, comme l’exercice de la PCI exige des connaissances propres à ce domaine, une formation de base a été dispensée aux infirmières affectées à la PCI. Au cours de la dernière année, deux autres secteurs cruciaux pour la PCI ont bénéficié, eux aussi, d’une formation spécifique, soit les gestionnaires en stérilisation et les intervenants en hygiène et salubrité. Ces derniers ont reçu une formation de formateur : ils pourront donc transmettre l’information à l’ensemble des préposés en hygiène et salubrité du Québec dans leur milieu respectif.
La recherche n’a pas été délaissée. Une consultation auprès d’experts a mené à l’élaboration d’un programme intégré de recherche sur les infections nosocomiales. Ce programme permet d’évaluer la pertinence des projets proposés dans une perspective globale, et ce, en fonction des principaux besoins identifiés pour une prise de décision et une meilleure actualisation du plan d’action. Actuellement, quelques projets sont en cours, notamment un projet de recherche sur l’efficacité des désinfectants. Peut-être serons-nous enfin en mesure d’obtenir des réponses concernant l’efficacité de l’eau de javel et d’autres produits sur les spores de Clostridium difficile…
Enfin, la prévention des infections nosocomiales ne peut se faire sans un examen approfondi de l’utilisation optimale des antibiotiques. Le Conseil du médicament, supporté par un groupe de dix experts, a édité en 2008 un Cadre de référence relatif à l’usage optimal des anti-infectieux et au suivi de l’utilisation de ces médicaments en milieu hospitalier. Ce document a pour objectif de soutenir les intervenants clés de ce domaine dans la mise en place d’activités structurées.
La direction de santé publique : un partenaire essentiel !
Comme l’avaient constaté les membres du comité d’examen, la PCI n’avait pas été ciblée comme une priorité dans la majorité des directions de santé publique avant 2004, sauf en ce qui concerne le SRAS. C’est d’ailleurs le cas dans plusieurs provinces canadiennes, cette responsabilité relevant du secteur de la prestation des soins et de l’univers clinique. Par la Loi sur la santé publique, le directeur de santé publique joue un rôle prédominant dans la protection de la santé de la population. Toutefois, l’absence de balises claires au regard des interventions de santé publique dans le domaine de la PCI menait à une diversité de pratiques. Ainsi, à l’été 2008, un Cadre de référence sur les rôles et responsabilités des directions de santé publique en matière de surveillance et de protection de la santé de la population a été édité. Il marque un moment important dans l’engagement des directions de santé publique au regard de la lutte aux infections nosocomiales. Outre l’harmonisation des pratiques, il renforce la capacité des équipes régionales à connaître le contexte législatif relatif aux infections nosocomiales et vise à améliorer la collaboration avec les autres instances concernées. Sur ce dernier point, nous ne pouvons que constater les progrès réalisés au cours des dernières années. L’instauration d’un travail en complémentarité entre les équipes des directions de santé publique et celles des établissements se consolide et est un atout important dans cette lutte aux infections nosocomiales.
Plusieurs défis demeurent…
Le Plan d’action 2006-2009 arrive à échéance. Ce sera le moment opportun de faire le point… La mise à jour de ce plan, pour la période 2010-2015, nous permettra de pousser encore un peu plus loin nos objectifs, les premiers résultats d’une démarche concertée ayant fait leur preuve… En effet, les données issues des programmes obligatoires de surveillance montrent une tendance vers une diminution des taux d’infection, ce qui confirme l’efficacité des mesures entreprises. À titre d’exemple, nous observions, en septembre 2008, le taux périodique le plus faible jamais enregistré de 5,0 cas de diarrhée associés au Clostridium difficile par 10 000 patients par jour, depuis la mise en place de la surveillance en août 2004.
La surveillance de l’usage optimal des antibiotiques en établissement demeure une priorité d’action. Le déploiement d’un plan de mise en oeuvre visant à outiller les établissements est en cours et devrait conduire à la mise en place d’actions locales à plus ou moins brève échéance. La surveillance des infections, quant à elle, doit poursuivre son développement afin de documenter certaines pathologies infectieuses, notamment les infections de sites chirurgicaux. Par ailleurs, les comités d’experts et les comités de travail seront invités à continuer leurs travaux. Malgré les nombreuses réalisations, le raffinement des méthodes d’hygiène et salubrité ainsi que l’aménagement des lieux et des équipements doivent se poursuivre pour offrir un environnement propre et sécuritaire au regard de la PCI.
Depuis plusieurs années nous constatons l’importance de rehausser le niveau de formation des infirmières dédiées à la PCI. À cet effet, l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (OIIQ) propose que ce volet de pratique devienne une spécialité. Nous devrons donc, au cours des prochains mois, travailler en collaboration étroite avec cet ordre professionnel afin de développer un modèle d’organisation d’expertise. Dans le contexte de la pénurie générale d’infirmières, les rôles et responsabilités de cette spé-cialité doivent être précisés dans un souci d’efficience et de rationalisation des ressources.
Et enfin, le ministère, avec l’importante collaboration de l’Association de défense des victimes d’infections nosocomiales (ADVIN), travaille à la production d’une campagne d’information « grand public » sur le lavage des mains. Cette dernière est décrite comme principale mesure de la PCI. Et, dans le contexte où l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a élevé son niveau d’alerte à la pandémie à la phase 6, pourrait-il y avoir meilleur moment pour sensibiliser la population ? Par ailleurs, la population doit non seulement être sollicitée pour lutter contre les infections nosocomiales, elle doit aussi être informée. La transparence et la fluidité de l’information est une valeur que nous privilégions, et ce, tant à l’échelon local que régional et national. Un engagement dans cette voie ne peut être que bénéfique pour tous.
En raison des succès démontrés par les données de surveillance, l’enjeu majeur des prochaines années sera de maintenir la mobilisation des intervenants et des gestionnaires. Nous vous invitons donc à parcourir minutieusement les articles proposés dans ce numéro qui, nous l’espérons, seront une source d’inspiration. La PCI doit demeurer un projet commun. Sa réussite nécessite un engagement de tous !
La prévention des infections est un investissement !
une priorité à mainteni