Vol 8.1 L’évolution de la clientèle et ses impacts

PIERRE PAUL MILETTE, directeur général
Centre de réadaptation Lucie-Bruneau

On constate de nos jours que la longévité et l’espérance de vie ont augmenté pour tous, y compris les personnes handicapées, et ce, peu importe l’origine, la nature et le niveau de gravité des problèmes de santé ou du handicap qui peuvent nous affecter. L’introduction de nouvelles molécules médicamenteuses et de nouvelles techniques d’intervention ont un impact positif sur la santé et du coup, sur la durée de la vie. Si ces avancées scientifiques permettent de survivre à des insuffisances souvent multiples, elles ont inévitablement des répercussions sur le réseau de la santé et des services sociaux. Une étude récente démontre que l’état de santé de la population des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) n’a cessé de s’améliorer, comme en témoignent l’allongement de l’espérance de vie et la hausse des taux de survie pour certaines maladies comme le cancer. Cette situation a cependant un effet direct sur les dépenses de santé qui représentent maintenant en moyenne plus de 9 % du PIB dans les pays de l’OCDE.

Les gestionnaires, à tous les niveaux des organisations, doivent régulièrement adapter l’offre de service aux besoins desusagers. Les médias nous projettent des urgences bondées qui, nous le savons, sont souvent le résultat du vieillissementde la population et du besoin constant d’adaptation de notre offre de service pour cette clientèle, notamment le réajustement des services en amont et en aval des urgences. Ainsi, les dépenses publiques de santé pourraient augmenter de 3,5 à 6 % du PIB d’ici 2050 dans la zone de l’OCDE. Dans ce contexte, il est essentiel d’exploiter des gains d’efficiencepour répondre à la croissance rapide de la demande de soins, sans entrainer les finances publiques sur une voie insoutenable. Le réseau y est confronté et de beaux exemples inspirant de réorganisation se dessinent de plus en plus.

Par ailleurs, lorsqu’on parle de l’évolution de la clientèle et de l’offre de services des établissements, certaines tendances positives se dessinent : la génération des baby-boomers présente une diminution des maladies cardiaques, de l’arthrite, de l’hypertension et des limitations fonctionnelles comparativement aux générations précédentes aux mêmes âges. Ils arrivent à la retraite en meilleure santé, conséquence de meilleures habitudes de vie, du traitement précoce et de la prévention de certaines maladies chroniques. Par contre, d’autres tranches de la société confirment la poursuite des efforts à déployer en prévention, notamment en ce qui concerne la progression de l’obésité, du diabète de type II chez les jeunes, et l’augmentation des fumeurs dans ce groupe d’âge. Ces situations auront inévitablement des impacts sur le réseau.

De façon générale, les Québécois perçoivent leur santé de manière positive, sauf les aînés. Près de 30 % des personnes âgées de 65 à 74 ans présentent une incapacité ; ce taux dépasse 50 % chez les personnes âgées de 75 ans et plus. Les maladies chroniques demeurent préoccupantes, même si on observe des gains pour certains types de cancers.

L’évolution de la clientèle se fait sentir dans tous les établissements, toutes vocations confondues : centres de santé et de services sociaux (CSSS), centres de réadaptation, centres jeunesse, centres hospitaliers universitaires. L’avancement de la pharmacothérapie et des technologies permet de guérir ou de prolonger la vie. Mais quels en sont les impacts sur le système de santé ? Quels sont les besoins de réaménagements physiques qui en découlent et quels débats éthiques cela soulève-t-il ?

D’autres éléments ont également des répercussions sur le réseau et nos modes d’intervention. Ainsi, depuis l’arrivée d’internet, la clientèle est de plus en plus informée ; elle a accès à des sites et études spécialisés sur la santé et les services sociaux. Et il arrive fréquemment que des patients se présentent auprès des professionnels de la santé munis d’informations et de nouvelles tendances recueillies sur le web. Les professionnels doivent désormais tenir compte de ce facteur et s’adapter eux aussi à leur clientèle. La diversité culturelle du Québec, résultat d’une immigration en constante évolution, a aussi un impact sur l’organisation des services. Ce facteur fait en sorte que les différents établissements doivent réévaluer leur offre de services et les professionnels, leurs pratiques.

En somme, c’est tout le réseau qui va devoir s’adapter aux nouveaux besoins de ces différentes clientèles. À nous de saisir l’occasion pour laisser émerger la créativité et les idées innovantes des gens qui le composent !