Vol 9.4 La réadaptation dans toutes ses dimensions
14.95$
Daniel Corbeil
Pierre Paul Millette
Jean-Marc Potvin
Le réseau de la santé et des services sociaux comporte une vaste diversité d’établissements, programmes et secteurs. Le comité éditorial de la revue a choisi de consacrer deux éditions à ceux qui touchent la réadaptation. Il s’agit selon nous d’un secteur encore peu connu et exploré, mais dont la portée en termes d’innovations et de résultats mérite qu’on s’y attarde. Ce Tome 1 porte particulièrement sur la réadaptation en déficience physique, alors que le prochain s’intéressera plus spécifiquement au volet psychosocial – jeunes en difficulté, santé mentale, dépendances, déficience intellectuelle.
D’entrée de jeu, il importe de définir ce qu’est la réadaptation et quels sont les secteurs qu’elle couvre.
Lorsque l’on aborde la réadaptation, on doit être conscient que ce concept peut prendre différents visages, considérant les champs d’expertise auxquels on réfère (jeunes en difficulté, déficience physique, santé mentale, etc.). Toutefois, il ne fait aucun doute qu’il existe un fil conducteur, voire des métaparadigmes, pour guider les interventions.
La vision globale de l’être et l’utilisation du potentiel des individus en sont les bases. Il en va de meme en ce qui a trait au maintien de l’équilibre entre les capacités internes des individus et l’environnement. En ce sens, Gendreau (2001)1 rappelle que cette intervention (la réadaptation) consiste précisément à favoriser des interactions appropriées entre la personne et son milieu, à lui permettre de retrouver un équilibre dynamique entre ses capacités et son environnement. Ainsi, l’inclusion sociale est l’une des pierres angulaires de la réadaptation.
En déficience physique, la définition de la réadaptation trouve son sens dans le rétablissement de l’autonomie fonctionnelle – physique et psychologique – optimale d’une personne handicapée. D’ailleurs, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), en 2012, dans son Rapport mondial sur le handicap, considérait les actions dans ce domaine comme «… un ensemble de mesures qui aident des personnes présentant ou susceptibles de présenter un handicap à atteindre et maintenir un fonctionnement optimal en interaction avec leur environnement ». Pour le ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec (MSSS), « L’intervention d’adaptation ou de réadaptation est le regroupement, sous forme d’un processus personnalisé, coordonné et limité dans le temps, des différents moyens mis en oeuvre pour permettre à une personne handicapée de développer ses capacités physiques et mentales et son
potentiel d’autonomie sociale ».
Pour ce qui relève du domaine de la santé mentale, dans le plan d’action 2005-2010 du MSSS intitule La force des liens, on note que la perspective du rétablissement nous invite à soutenir les personnes atteintes d’un trouble mental en les aidant à réintégrer leur rôle en société, malgré l’existence chez elles de symptômes ou de handicaps, car c’est généralement par l’interaction sociale qu’une personne apprend que ses efforts lui donnent du pouvoir sur son environnement. Il s’agit du fondement même de la réadaptation et de l’adaptation.
L’adaptation sociale d’un individu est intimement liée à la qualité de l’interaction entre celui-ci et son environnement, qu’il soit familial, scolaire, de travail ou encore, plus largement, social et communautaire.
C’est généralement par l’interaction sociale qu’une personne apprend que ses efforts lui donnent du pouvoir sur son environnement. Il s’agit du fondement même de la réadaptation et de l’adaptation.
Les problèmes d’adaptation varient en amplitude, intensité et durée. Ils peuvent découler ou être associés à des difficultés de santé ou de déficience physique ou intellectuelle, à un problème de dépendance, ou en devenir la cause. Enfin, ils peuvent résulter d’un traumatisme physique ou psychologique important susceptible de survenir à tous les âges de la vie. Souvent, en l’absence de tels problèmes préexistants, ils apparaissent tôt, à l’enfance ou à l’adolescence, dans des environnements familiaux dysfonctionnels, eux-mêmes marqués par l’inadaptation sociale.
De façon assez certaine, on peut affirmer que des difficultés d’adaptation sociale persistantes et non traitées ont ou auront des conséquences importantes sur la capacité des individus à être des citoyens productifs et contributifs, de même que sur leur consommation de services publics de tous ordres : éducation, santé, services sociaux, sécurité du revenu, sécurité publique, justice, etc.
Les services de réadaptation psychosociale au Québec se sont structurés de manière spectaculaire au cours des trente dernières années. On n’a qu’à penser au mouvement de désinstitutionalisation en santé mentale qui a misé de manière particulière sur la réadaptation psychosociale — au secteur jeunesse où l’on a diminué considérablement le recours et la durée des placements — ou encore aux secteurs de la dépendance et de la déficience intellectuelle et physique, où l’apport de la réadaptation est indéniable et fondamental en vue d’une meilleure intégration sociale.
Le Tome 2 de La réadaptation dans toutes ses dimensions – à paraitre à la fin de mai – visera à jeter un éclairage sur la contribution, les enjeux et les défis de la réadaptation psychosociale.
Nous consacrons le présent numéro au volet de la réadaptation en déficience physique, soit aux aspects qui touchent la déficience motrice et sensorielle (visuelle, auditive ou du langage). Adaptation, réadaptation et soutien à l’intégration sociale : voilà les mots-clés qui définissent les centres de réadaptation en déficience physique (CRDP).
Que ce soit à la suite d’un traumatisme, d’une maladie neuromusculaire ou dégénérative, ou lié au phénomène de vieillissement, la personne vivra inévitablement l’expérience de la réadaptation.
Les centres de réadaptation en déficience physique sont répartis sur l’ensemble du territoire québécois. Le lecteur sera à même de constater que c’est un milieu dynamique et stimulant, centré sur la personne. Qu’il s’agisse des différents centres d’expertise développés au fil des ans avec la première, deuxième et troisième ligne — Centre d’expertise pour les blessés médullaires de l’Est ou de l’Ouest du Québec (CEBMEQ et CEBMOQ), Centre d’expertise en gestion de la douleur chronique et Consortium de l’Ouest du Québec pour les personnes ayant subi un traumatisme craniocérébral modéré ou grave — permettant de briser le fonctionnement en silo, ou des différents programmes adaptés développés par les centres, les personnes ont accès à une pléiade de services leur permettant de s’intégrer dans la société.
La mise en place de ces centres d’expertise a pour but de mieux connaitre et reconnaitre les rôles respectifs des différents intervenants, favoriser un meilleur arrimage des interventions et, ultimement, permettre à un plus grand nombre de personnes de recevoir les services qu’elles requièrent, au moment opportun.
Les articles proposés dans ce numéro démontrent à quel point la réadaptation en déficience physique améliore les conditions de vie des personnes et comment elle s’intègre au continuum de soins et de services à partir du réseau des CSSS, des hôpitaux universitaires et des autres partenaires en réadaptation psychosociale. Les CRDP exercent un rôle actif pour assurer la fluidité du cheminement clinique des usagers, depuis le volet hospitalier jusqu’à leur pleine intégration sociale.
Bonne lecture !