Vol 10.3 Le vieillissement de la population

Confrontés au phénomène du vieillissement de la population,
quels sont les problèmes auxquels nous devons faire
face, les défis à surmonter ?

Deux heures du matin; je suis au chevet de mon frère ainé qui est en fin de vie. Il n’a même pas encore
soixante-sept ans. Un contexte particulier pour une réflexion sur le vieillissement…. Mon frère Jean-Claude,
il y a à peine quatre mois, était actif, sans grand problème de santé. Il y a un peu moins de deux ans, il avait
choisi de prendre sa retraite, partagée avec sa conjointe, après une vie active de travailleurs. Au programme,
s’occuper d’eux-mêmes, faire du vélo, du bricolage, quelques voyages, être disponibles pour leurs enfants
et petits-enfants. Une retraite bien simple, semblable à beaucoup d’autres, mais tant appréciée. Tout en
regardant mon frère dormir, un fait me revient à l’esprit. Il y a quelques jours, j’ai croisé dans la chambre
le beau-frère de Jean-Claude, ironiquement hospitalisé lui aussi, sur le même étage que mon frère. Son
séjour à l’hôpital est lié à un Parkinson qui fait ses ravages. Deux réalités du vieillissement fort différentes,
qui m’interpellent et me renvoient face à moi-même, à la mi-cinquantaine. Deux situations inéluctables qui
suscitent des interrogations, voire de l’angoisse. Heureusement, le rationnel reprend le dessus.

Confrontés au phénomène du vieillissement de la population, quels sont les problèmes auxquels nous devons
faire face, les défis à surmonter ? Chose certaine, la vision que nous en avons, ou l’angle par lequel nous
façonnons notre réflexion teinte grandement le type de solutions que nous envisageons pour répondre à une
partie des multiples facettes de ce phénomène.

L’espérance de vie augmente, l’indice de fécondité est sous le seuil de remplacement des générations et le
bébé-boom ayant suivi la Seconde Guerre mondiale se transforme en papy-boom. Les défis socioéconomiques
qui en résultent sont de taille, notamment les départs massifs à la retraite. Ceux-ci font basculer l’équilibre
entre la population active et inactive, et ce, selon les postulats actuels déterminant la mesure de l’action
dans une société afin de contribuer au soutien de la génération qui se retire d’une vie active de travailleur.

Au-delà des statistiques, les besoins quotidiens des personnes âgées sont bien réels. En ce sens, des actions
s’imposent pour adapter l’offre de services aux ainés, tant à domicile qu’en institution. Au plan institutionnel,
des initiatives en milieu hospitalier sont requises pour éviter le déclin fonctionnel généré par l’hospitalisation
elle-même et contrer l’effet iatrogénique. En centre d’hébergement et de soins de longue durée (CHSLD),
le maintien de l’équilibre entre un milieu de vie et un milieu de soins s’avère essentiel. Et en parallèle, une
promotion positive de ce milieu jumelée à une ouverture vers la communauté sont nécessaires pour nous
permettre de dépasser la vision du « placement » et du «dernier recours » en ce lieu. Il s’agit de faire du
CHSLD un endroit où l’on dirige des gens en fonction de l’expertise humaine et clinique qu’on y retrouve
pour répondre à leurs besoins spécifiques. De façon plus large, une réflexion sur la distribution des services
aux ainés reposant sur des soins de santé primaires et des actions de la communauté est indispensable.

Chose certaine, nos réflexions doivent mener à des gestes concrets et se conjuguer à de nombreux niveaux.
Il suffit de penser à l’impact de la pauvreté chez certains de nos ainés et à ses effets sur leur état de santé
et de bien-être. Il en va de même du besoin d’accéder en temps opportun à un logement ou à une habitation
adéquate, en fonction des besoins identifiés et en tenant compte de la conservation des repères pour
la personne comme contributif au maintien dans la communauté. Tout cela, dans le but d’éviter le déclin
fonctionnel de la perte d’autonomie. L’accès à une gamme de services est également nécessaire pour répondre
à certains besoins portant notamment sur la mobilité, l’alimentation et l’isolement. Le même principe
s’applique quant au recours aux proches aidants pour relever une partie de ce défi du vieillissement de la
population. Notre réflexion doit s’étendre à la surprescription auprès des personnes âgées, un symptôme
venant confirmer la nécessité de se concerter dans l’action.

Les démarches requises sont nombreuses, la première consistant à créer une cohérence d’ensemble qui
repose sur une vision et des valeurs du vieillissement individuel et collectif. Un schéma gérontologique
québécois s’impose afin de déterminer, établissement par établissement, ville par ville, village par village,
quartier par quartier, maison par maison, individu par individu, un cadre d’actions et surtout d’organisation
des actions autour d’une vision positive du vieillissement et de la participation citoyenne à ce défi sociétal.
Le vieillissement comme levier de mobilisation, de participation et de partage de savoirs expérientiels.

Allez, activons-nous les méninges !