Vol 7.2 Les services sociaux
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JEAN-MARC POTVIN, directeur général, Centre jeunesse de Montréal-Institut universitaire
Chaque semaine, les médias rapportent des évènements dramatiques impliquant des personnes qui vivent des détresses, personnelle, familiale, sociale ou encore psychologique. On a tous en tête des situations troublantes qui nous ont touchés au cours des derniers mois, infanticide suivi de tentative de suicide, intervention policière avec mort d’homme dans des contextes de détresse sociale, etc. Notre réseau de la santé et des services sociaux et ses gestionnaires doivent se considérer directement interpellés par ces évènements rapportés dans les faits divers ou en manchette, qui ne sont possiblement que la pointe de l’iceberg de cette détresse sociale encore mal comprise et mal mesurée au sein de notre société.
Dans une majorité appréciable des cas, ces drames sont liés à des problématiques d’adaptation sociale pouvant être associées à des vulnérabilités personnelles, passagères ou permanentes. Celles-ci peuvent découler de problèmes de dépendances, de problèmes personnels, conjugaux ou familiaux, de problèmes de santé mentale, de troubles du développement ou de la conduite. Certaines difficultés d’adaptation sociale peuvent aussi être liées à des déficiences physiques ou intellectuelles, associées ou non à d’autres problématiques sociales. Si ces vulnérabilités peuvent sembler plus présentes dans les milieux défavorisés, il faut savoir qu’elles se retrouvent dans tous les milieux. À l’instar de la maladie physique, personne n’est à l’abri de vivre un épisode de détresse intense aux plans humain et social.
Si ces personnes vulnérables n’obtiennent pas le soutien requis dans une perspective d’adaptation sociale ou de réadaptation, incluant des services professionnels de qualité, les risques de conséquences graves pour elles, pour leurs proches, ou même pour des tiers sont bien réels.
Raymonde Saint-Germain, Protectrice du citoyen, mettait en lumière, dans un rapport publié en mai dernier, intitulé « Pour des services mieux adaptés aux personnes incarcérées qui éprouvent un problème de santé mentale », la très forte proportion de détenus (61 %) ayant à leur dossier, au cours des cinq années précédentes, au moins un diagnostic évoquant un problème de santé mentale ou de consommation problématique. Dans la plupart des cas, il ne s’agit pas de maladie mentale (17,4 %), mais plutôt de problèmes dits « moins graves » (82,6 %), le plus souvent liés à l’adaptation sociale. Nous pouvons, sans grand risque de nous tromper, émettre l’hypothèse qu’un nombre appréciable de ces personnes ont vécu, à un moment ou l’autre de leur vie, l’une des vulnérabilités énoncées précédemment. Ont-elles reçu le soutien nécessaire, au moment opportun, du réseau de la santé et des services sociaux ? Avons-nous réussi ce pari génial fait dans ce Québec d’avant-garde, lors de la Révolution tranquille, de créer un réseau intégré de santé et de services sociaux visant la prise en charge globale des dimensions de santé et de bien-être des individus, des familles et des collectivités ?
Le système de la santé et des services sociaux, tel qu’on le connaît aujourd’hui, arrive à son quarantième anniversaire. Il a été créé le 15 décembre 1971 par l’adoption du projet de loi 65, à la suite de la Commission Castonguay-Nepveu. Après de nombreuses discussions sur l’opportunité ou non d’intégrer dans un même ministère ces deux missions, la perception d’une relation très étroite, voire d’une interdépendance forte, entre les dimensions de la santé et du bien-être a conditionné le choix de ce modèle intégrateur. Mis en question de nouveau au gré des réformes, et à chaque fois réaffirmé, ce modèle a-t-il favorisé véritablement le développement et l’intégration des services sociaux ? Sommes-nous en voie d’actualiser cette grande vision ?
La création des centres locaux de services communautaires (CLSC) incarnait de manière particulière cette vision, où la dimension sociale et communautaire était bien présente. La mission CLSC a depuis été reprise par les centres de santé et de services sociaux (CSSS). Les CSSS assument maintenant cette mission plus large, intégrant les services sociaux à l’égard de toutes les clientèles en première ligne, et collaborent avec des établissements spécialisés pour les cas qui font appel à des services requérant des expertises ou technologies plus poussées.
Plusieurs programmes de services psychosociaux ou de réadaptation ont été mis en place au fil des ans, qu’ils soient reliés à la déficience physique ou intellectuelle, aux dépendances ou au jeu pathologique, à la jeunesse et aux familles en difficulté. Les services sociaux sont également présents dans plusieurs programmes mixtes, notamment en santé mentale, en santé physique, ou encore auprès des aînés en perte d’autonomie. Un réseau impressionnant d’organismes communautaires s’est développé en complémentarité à l’offre de services du réseau institutionnel. Des établissements sont maintenant désignés instituts universitaires ou centres affiliés universitaires dans le secteur social, favorisant cette interaction clinico-scientifique, si importante pour l’amélioration des pratiques. Enfin, le projet de loi 21, adopté en 2010, vient augmenter considérablement le champ des actes réservés en sciences humaines, donc l’adhésion aux ordres professionnels, dans la perspective d’une meilleure protection du public.
Il est indéniable, donc, que les services sociaux et de réadaptation visant à contrer les problèmes d’adaptation sociale ont connu un essor et une qualification considérables depuis 40 ans. Cette édition de la revue Le Point en fait un tour d’horizon.
Après 40 années d’existence du réseau de la santé et des services sociaux au Québec, l’accessibilité aux services sociaux constitue toujours un enjeu. Ces services demeurent encore et toujours conditionnés par les ressources disponibles consacrées à ces programmes, qui visent le plus souvent les clientèles vulnérables, plutôt que par les principes d’universalité appliqués à la santé. Tous n’ont pas accès en temps opportun aux services qu’ils requièrent et le recours même à ce type de services est socialement peu valorisé.
La pression va toujours grandissant sur le réseau de la santé, particulièrement en lien avec le vieillissement de la population. L’accessibilité aux soins en santé physique, l’accès aux urgences, aux chirurgies, aux médecins de famille sont des enjeux omniprésents dans l’espace médiatique et dans la sphère politique. L’état des finances publiques demeure précaire. Les ressources sont limitées. Y a-t-il là une nouvelle menace pour cette grande vision ? Nos administrations et nos gestionnaires sauront-ils trouver dans ce contexte, ce point d’équilibre, afin d’investir suffisamment le champ des services sociaux, dans la vision, dans le discours, et surtout dans les réalisations ?
Nous ne pouvons que le souhaiter, à défaut de quoi nos cabinets de médecins, nos urgences d’hôpitaux, nos centres de détention seront toujours aux prises avec cet afflux coûteux de personnes en détresse psychologique ou sociale, faute de soutien social adéquat en temps opportun.
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